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DUPOIRIER
à Paris (°1806)

1802

Brevet de 1802 : "M. Dupoirier a présenté à la Société un piano dans lequel il a introduit quelques changemens relatifs aux proportions et à la capacité de la caisse, et à la distribution des forces mouvantes. D'après l'examen qui en a été fait par les Commissaires du Conseil d'Administration, ces changemens ont paru être d'un effet avantageux. [...]

Rapport fait à la Société, par le C. Paroletti, sur le Piano -forte présenté par le C. Dupoirier.

Dans la séance du 10 Brumaire, la Société a nommé les CC. Prony, Roulier de l'Etang et moi, pour examiner, et lui faire un rapport sur un piano-forte de nouvelle construction, inventé et exécuté par le C. Dupoirier.

Les principes d'après lesquels ce piano-forte est construit, sont les mêmes des pianos ordinaires: la méchanique en diffère seulement dans quelques proportions; et c'est dans la meilleure répartition de la capacité de la caisse, et dans la distribution plus utile des forces mouvantes, que le C. Dupoirier a cherché à donner à son instrument le perfectionnement qu'il s'est proposé.

Dans les pianos ordinaires, le méchanisme des marteaux est placé surune rangée située sur le bord de la caisse qui fait face au clavier. Les marteaux sont disposés sur une ligne diagonale, appuyée d'un côté sur le flanc à gauche, à quelques décimètres du clavier, et de l'autre, sur le bord de la caisse en face du clavier.

Le jeu des marteaux et le mouvement des amories, occupent, dans les pianos ordinaires, à-peu-près les deux tiers de la caisse, et par une suite de la position diagonale des marteaux, les leviers des touches qui les meuvent, se trouvent les plus courts dans les voix basses, et les plus longs dans les voix aiguës.

Cette méthode de construction a présenté les inconvéniens suivans à M. Dupoirier :

1°. De laisser trop peu d'espace pour la table de l'harmonie, dont le manque d'étendue nécessaire ne peut que contribuer à fendre l'instrument moins sonore;

2°. De nécessiter la section diagonale des leviers sur une ligne correspondante à celle des marteaux, dont l'effet est de faire agir les leviers plus longs sur les cordes plus fines, et les leviers plus courts sur les cordes plus fortes; tandis que le levier plus long, comme le plus puissant, devroit agir sur la corde plus résistante;
3°. De nécessiter la position diagonale des cordes, position moins favorable pour la tenue et la durée de l'accord.

M. C. Dupoirier, après un long travail, et par le renversement de la méchanique ordinaire, est parvenu à parer à ces inconvénièns, et à réunir dans son piano plusieurs avantages dont nous allons rendre compte à la Société.

Dans le piano du C. Dupoirier, les marteaux sont placés sur le bord de la caisse qui les sépare du clavier. La positionde ces marteaux suit une ligne diagonale en sens inverse de celle des pianos ordinaires c'est-à-dire, elle s'appuie à droite, sur le bord qui sépare le clavier, et s'éloigne à gauche, en s'appuyant sur le flanc.

Par le simple effet de cette inversion, la table de l'harmonie gagne au moins un quart d'étendue, et se trouve prolongée pour toute la longueur des cordes; les leviers, suivant la ligne diagonale des marteaux, s'allongent vers les voix basses, et se raccourcissent vers les voix aiguës; et les cordes placées sur une ligne parallèle à celle de la caisse, dans sa longueur, promettent une grande solidité dans la tenue de l'accord.

Pour nous convaincre de la réalité de ces avantages, il nous a fallu examiner le piano-forte du C. Dupoirier, sous trois rapports différens :

1°. Par rapport à la qualité de la voix;
2°. Par rapport à la douceur et à l'égalité du clavier;
3°. Enfin, dans le rapport de sa solidité.

Le piano-forte du C. Dupoirier nous a paru des plus sonores, et avec une qualité de voix très-vive et moelleuse.

Cette propriété lui est encore assurée par une autre circonstance qui provient de la nouvelle construction : le diapason se trouve raccourci de deux ou trois centimètres, et les cordes fines sont d'une grosseur plus forte que dans les pianos ordinaires.

Le clavier construit par le C. Dupoirier nous a paru très-bon : les touches s'enfoncent très-peu, et d'une ma: nière très-égale, si l'on excepte quatre ou cinq touches dans les voix aiguës; mais ce défaut ne paroît pas tenir essentiellement à la nouvelle méchanique du piano.

La difficulté d'obtenir, au premier abord, un succès complet dans cette sorte de construction, très-compliquée, nous a fait passer sur ce petit défaut, qui peut être facilement réparé dans la fabrication d'un autre instrument.

Le piano du C. Dupoirier est d'ailleurs très-solide. Ce citoyen nous a fait observer, qu'après avoir élevé les sons de son registre au diapason ordinaire, la caisse n'avoit cédé, que de quelques millimètres dans sa figure horizontale, variation peu remarquable pour cette espèce d'instrument.

Comme toutes les parties intérieures de l'instrument se trouvent distribuées d'une manière plus proportionnelle à la forme et à la capacité de la caisse, il est certain que cette construction doit être plus favorable à sa solidité.

Il nous reste à parler de quelques avantages qui résultent encore de la nouvelle construction du C. Dupoirier. Le couvercle s'ouvre à volonté par devant et par derrière, selon la place que le piano occupe dans l'appartement. Quatre pédales produisent :

1°. La suppression d'une des cordes;
2°. L'élévation des étouffoirs;
3°. Le jeu du buffle;
4°. L'élévation du couvercle qui peut se fixer à plusieurs degrés différens.

Les pédales sont construites à l'instar des pédales, de la harpe. L'élévation du couvercle de la caisse par derrière, nous a paru très-ingénieuse, et parfaitement assortie à cette nouvelle manière de construction; car, dans le piano en question, l'harmonie se trouve divisée sur le derrière de l'instrument, et l'effet qui en résulte pour l'acoustique des sons est souvent délicieux.

Enfin, nous sommes d'avis que le C. Dupoirier, dans la fabrication d'un nouveau piano-forte, à conçu une pensée très-ingénieuse pour le perfectionnement de cet instrument; qu'il a obtenu du succès dans son exécution, et qu'il mérite l'approbation de la Société." Bulletin de la Société d'encouragement pour l'industrie nationale, Volume 1, 1802, p. 17/129   et   Dictionnaire chronologique et raisonné des découvertes, inventions, 1822-24, p. 336 et 337


1803

Brevet de 1803 : "En 1803, P. Dupoirier, de Paris, fit quelques changements dans le mécanisme et dans l'échappement." Pontecoulant, 1861 - Bulletin de la Société d'encouragement pour l'industrie nationale, Volume 1, 1804, p. 129-130


1806

Séance du 21 juillet 1806. MM. Prony, Lacepède et Haüy font le Rapport suivant sur le nouveau piano de M. Dupoirier

Brevet de 1806 : " M. Dupoirier, facteur de forte-piano a présenté et fait entendre à la Classe un forte-piano, dont la construction diffère en plusieurs points de celle des forte piano ordinaires.

Parmi les innovations que cette construction présente et qui, en général, nous ont paru heureusement imaginées, il en est une sur laquelle notre attention s'est principalement fixée et dont l'utilité et l'importance surpasse tellement celle des autres, que ce sera la seule dont nous entretiendrons la Classe.

Cette innovation est relative à la manière d'établir et de placer les cordes sonores sur l'instrument.

Dans les forte-piano ordinaires, la direction générale des cordes est oblique sur l'axe du forte piano et leur distribution dans le système général ou diapason est telle, que les plus longues et les plus grosses se trouvent du côté du clavier, les plus courtes qui sont en même tems les plus fines étant les plus éloignées du clavier.

Il résulte de cette disposition que les touches qui ont le plus de masse sont employées à frapper les cordes qui en ont le moins et réciproquement, ce qui en principe est un défaut contraire à la bonne qualité, à l'égalité du son et à la facilité du jeu.

Les habiles luthiers atténuent, autant qu'il est possible, ce vice de construction, en plaçant avec art les points d'appui des touches, allégissant le corps de celles des sons aigus et renforçant les corps de celles des sons graves.

On voit dans les efforts qu'ils font pour lever l'inconvénient dont nous parlons, combien ils sont persuadés de sa réalité, et on s'assure par l'examen des forte-piano les mieux construits qu'ils sont encore loin de l'avoir fait disparoître.

Il est vrai qu'on ne l'aperçoit jamais lorsqu'on entend des artistes ou des amateurs d'un talent consommé; mais c'est une difficulté de plus qu'ils ont eu à vaincre dans leur éducation et leurs exercices.

« M. Dupoirier, pour détruire le mal dans son principe, a établi le système ou diapason général des cordes sonores dans une situation inverse de celle qui est usitée.

Par ce changement, non seulement il n'a rien perdu sur les autres qualités de l'instrument, mais il les a améliorées, et parmi les avantages qu'il s'est procurés, nous citerons celui d'avoir obtenu un parallélisme exact entre la direction générale des cordes et l'axe de l'instrument.

Ainsi, dans son système, la masse à mettre en mouvement par le doigt qui frappe la touche et l'inertie qui en résulte diminuent avec la masse de la corde à mettre en vibration, ce qui est incontestablement une des conditions de la perfection des instrumens à touche.

D'habiles professeurs que nous avons consultés et qui ont essayé l'instrument de M. Dupoirier, ont trouvé ses nouveaux claviers sensiblement supérieurs aux anciens pour la facilité et l'égalité du jeu, et pensent qu'ils doivent être préférés dans le choix des instrumens destinés à l'éducation des élèves.

L'inversion du système des cordes sonores entraîne plusieurs changemens dans le mécanisme de l'instrument qui, ainsi que nous en avons prévenu, ont été combinés d'une manière avantageuse.

M. Dupoirier y a ajouté d'autres améliorations relatives à la solidité de la construction générale, à l'étendue de la table sonore, aux différens jeux pour étouffer le son et faire varier son timbre, à la manière de faire ouvrir le couvercle etc., mais nous n'entretiendrons pas la Classe de ces détails, et nous nous bornerons à demander son approbation pour le changement beaucoup plus important introduit par M. Dupoirier dans la manière d'établir et de placer le système général des cordes sonores.

Signé à la minute : Haüy, Lacepède, Prony Rapporteur.

La Classe approuve le Rapport et en adopte les conclusions." Procès-verbaux des séances de l'Académie, 1804-1807, p. 397-398

Pour les références voyez la page
pianos français 1800 - 1829


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